CH de Versailles (78)

La PUI déploie des actions écologiques et rentables

Optimisation des trousses d’intervention, remplacement des tenues à usage unique, alternatives aux médicaments occasionnant le plus de déchets… à la PUI de Versailles, les actions en faveur du développement durable se multiplient avec à la clé de réelles économies d’échelle.

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©Adobe stock

Le secteur de la santé pollue, c’est un fait. « Mais en France, comme on a très peu ou pas de réglementations contraignantes, l’envie de faire mieux doit venir des professionnels de santé », assurent Marie Scius, interne en pharmacie et Miriam Malliti, pharmacienne, qui ont pris le problème à bras le corps et défini trois axes d’interventions prioritaires : les achats durables, la réduction des déchets et l’amélioration de la qualité de vie. 

Bête comme chou…

Il suffit parfois d’une feuille et d’un crayon pour obtenir des résultats spectaculaires. C’est ce qui s’est passé, ou presque, quand Marie et Miriam se sont attaquées à la composition des trousses d’interventions chirurgicales. « C’est bête comme chou. On a dessiné un tableau avec à gauche la composition détaillée des trousses et à droite 2 colonnes : utilisez-vous cet élément pendant vos interventions : oui/non. Ça a ouvert des discussions entre professionnels pour savoir s’ils en avaient vraiment besoin ou s’ils pouvaient s’en passer. C’était intéressant parce que ça a permis aussi de revoir les pratiques des uns et des autres, et de les actualiser. » Le questionnaire a été soumis aux anesthésistes et chirurgiens mais aussi aux Ibode (infirmiers de bloc opératoire) et aux logisticiens, concernés par les approvisionnements. 

Au final, 8 trousses ont été passées au crible : péridurale, ligamentoplastie, anesthésie loco-régionale (ALR), coronarographie, rétine, cataracte combiné, épisiotomie et injection intra-vitréenne. Jusqu’à un quart des composants -voire 50 % pour la trousse de péridurale ont été modifiés ou supprimés.

[ 8 trousses passées au crible ]

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Parmi les éléments modifiés, les compresses tissées ont été remplacées par des non tissées, des aiguilles intramusculaires ont été remplacées par des sous-cutanées ou lorsqu’elles servaient de pompeuses, par… des pompeuses. Les éléments supprimés sont variés : compresses, crêpes/pansements, objets métalliques comme la pince de Kocher, cupules « et même un câble de neurostimulation dans la trousse d’ALR ! »

Grâce à cette action, les déchets ont été réduits de 11 à 52 kilos de déchets par référence et par an. « Soit à peu près 160 kilos de déchets évités, avec un gain financier malgré l’inflation puisque on a diminué le nombre de références. » Le projet a été assez long à aboutir, environ un an, mais il a permis une réelle sensibilisation des équipes au développement durable.

les bonnes pratiques des pui

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© CH de Versailles

Grâce aux retours d’expérience en interne (ou fournis par d’autres établissements) et à l’abondante documentation mise à disposition par les instances professionnelles, Marie Scius a détaillé 6 grands axes pour faire progresser le développement durable dans les PUI : achats des médicaments et dispositifs médicaux, gaz anesthésiants, sobriété médicamenteuse, stérilisation durable, déchets et qualité de vie au travail.

[ STOCKAGE DES TROUSSES ]

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Un autre projet à Versailles est de commander des palbox pour stocker les trousses. « Il s’agit de gigantesques cartons en format palette », précise Marie Scius. « Le fournisseur nous assure qu’il permet de réduire de 50 % des déchets cartons, de 30 % des déchets plastiques et de 50 % le temps de décartonnage… et bien sûr de gagner de l’espace de stockage. L’Institut Gustave-Roussy à Villejuif l’a testé et a réussi à faire baisser de 87 % ses déchets associés aux emballages et l’équivalent d’un mois de temps de travail magasinier, donc c’est tout à fait conséquent. »

Comprimés effervescents

En matière de réduction des déchets, d’autres actions ont été mises en place, dont le remplacement des flacons de bicarbonate de sodium pour bain de bouche par des comprimés effervescents de Bicarôme®. « Historiquement, on utilisait ces flacons prêts à l’emploi pour les patients hospitalisés dans nos services d’hémato-oncologie en prévention des mucites. Sauf que ces bouteilles ont un tonnage de déchets très important. »

Ça nous a permis de diviser la masse des déchets par 40 et les coûts de traitement par 10 ! 

Pour passer aux comprimés effervescents de Bicarôme®, les deux collaboratrices planchent à nouveau sur un questionnaire : un pour les patients, un pour les soignants. « On a évalué la prise, le goût, la praticité etc. Et on a comparé les impacts économiques et environnementaux. »

[ REMPLACEMENT DES FLACONS DE BICARBONATE DE SODIUM ]

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Au final, la préférence des patients et des soignants est allée aux comprimés, pour des questions de goût mais aussi de transport, de stockage et d’écologie. Le remplacement a été validé pour la prévention (mais pas le traitement) des mucites. « Ça nous a permis de diviser la masse des déchets par 40 et les coûts de traitement par 10 ! » Et selon leurs estimations, si tous les services de l’hôpital optaient pour le Bicarôme®, les déchets diminueraient d’environ 120 kg/an (l’équivalent de 2 700 bouteilles), avec à la clé une économie de 5 000€.

Réduire les injectables

Autre chantier prioritaire : la réduction des prescriptions de médicaments injectables, qui occasionnent 90 fois plus de déchets que les médicaments administrés par voie orale. « On a organisé une campagne de sensibilisation d’abord en comité de direction puis auprès de chaque nouvel interne. On a aussi créé des pop-ups qui s’affichent sur les écrans des médecins au moment de la prescription et à J+3, lors de la réévaluation. Le message indique qu’il existe pour ce médicament-là une alternative par voie orale et on leur demande de justifier l’utilisation de la voie intra-veineuse. »

Une dizaine de molécules – les plus consommées dans l’hôpital avec une biodisponibilité supérieure à 90 entre la voie intra-veineuse et la voie orale – sont concernées : antalgiques, IPP, antibiotiques… « Le projet n’a pas pu être évalué en raison d’une cyberattaque contre l’hôpital en 2022, mais des études comparables commencent à apparaître, notamment sur le paracétamol qui montrent une baisse de 67 % du ratio de consommation et des émissions qui passent de 180 kilos d’équivalent CO 2 par mois à 125. »

Fiches de bon usage

Confrontées à une tension de l’approvisionnement pour les flacons d’eau préremplis, Marie Scius et Miriam Malliti ont étudié leur rationalisation pour éviter la pénurie. Une fiche de bon usage a été envoyée aux utilisateurs, rappelant le contexte d’utilisation, les justes indications de l’humidification de l’oxygène – « pour des débits inférieurs à 4 l/mn, on n’en a pas nécessairement besoin. » – et les précautions d’emploi. Puis, constatant que les volumes ne baissaient toujours pas, elles ont dégainé des arguments plus incisifs sur l’efficacité controversée de ces flacons, le risque de contamination microbiologique, leur coût et leur impact écologique élevés… sans oublier les effets sur la manutention et le stockage. Message bien reçu.

Réduction des consommations des flacons d’eau préremplis

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« Après ça, la consommation a baissé de 39 %, soit une économie de 6 000€/an et 540 kg de déchets, avec un impact positif sur la manutention et la place de stockage ! Ce qui nous fait dire que parfois la tension (ndlr : en approvisionnement) a du bon », plaisante Marie Sciu.

L’Apéro écolo

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© CH de Versailles

Afin d’amorcer une transition écologique au sein même de la PUI, un groupe de travail, baptisé L’Apéro écolo, est créé en 2023. « On a installé une boîte à idées accessible à tous. Quand elle est pleine, à l’occasion d’un déjeuner de travail, on déballe toutes les idées et on désigne des responsables de mise en place. »

De nombreux projets ont ainsi vu le jour : communication humoristique sur les lumières et les ordinateurs, modification du conditionnement de certains dispositifs médicaux, instauration de pyjamas réutilisables à l’unité de reconstitution de chimiothérapie ou encore remplacement des sachets papier par des sachets de dispensation réutilisables. « Le service de prévention des risques infectieux nous a donné son accord. Une fois les médicaments déballés, les services doivent déposer les sachets dans des banettes. Au début, ils oubliaient de le faire ou ils perdaient les sachets. Maintenant, ça va mieux. Et les coursières qui ont été sensibilisées à cette opération sont très impliquées », se réjouit Miriam Malliti.

Plusieurs mesures ont également été adoptées en faveur de la qualité de vie au travail (QVT). « On a organisé une troc party au printemps qui a eu beaucoup de succès. On a aussi mis à disposition de la vaisselle réutilisable dans le service et une boîte à livres dans la salle de pause. » Pour chaque idée concrétisée, une nouvelle feuille vient oxygéner l’“arbre aux idées durables” punaisé au mur.

« On se sert aussi d’indicateurs pour voir le chemin parcouru et ce qu’il reste à faire. On les affiche en salle de pause, cela permet à chacun de se situer et de voir où on en est mais aussi de montrer l’importance de l’approche collaborative et proactive pour avancer », indique Marie Scius. La communication sur les projets est également primordiale entre tous les acteurs de la santé. « Plus on a accès à des fiches, des guides, des retours d’expérience, plus on se rend compte que beaucoup d’actions sont accessibles et ne nécessitent, entre guillemets, que du temps et de l’investissement. »

Depuis son lancement, l’Apéro écolo ne désemplit plus. « Aujourd’hui, un tiers de la PUI et même quasiment la moitié participe aux réunions, avec des nouvelles recrues à chaque fois. » Une façon de valoriser une autre facette du métier de pharmacien et qui sait, de susciter des vocations.

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