AP-HP & ARS ÎLE-DE-FRANCE
Écomaternités en Île-de-France : un guide pour passer le cap !
Lancé en 2021 par l’ARS Île-de-France et l’AP-HP, le projet d’écomaternités a permis de développer les bonnes pratiques dans les établissements pilotes et d’aboutir à la réalisation d’une charte ouverte à tous déclinant 24 actions concrètes et accessibles pour franchir le cap de l’écoresponsabilité.

Les 13 maternités de l’AP-HP, 6 maternités publiques hors AP-HP du 92 et 93 et 3 réseaux de périnatalité participent au projet dont l’objectif est double. « Il s’agit d’une part de sensibiliser le personnel des maternités pour les inciter à adopter des pratiques plus vertueuses pour l’environnement et d’autre part de réduire l’exposition des patients et soignants aux polluants environnementaux comme les perturbateurs endocriniens », explique Dorothée Henin, représentant la direction de l’offre de soins de l’ARS Île-de-France. Le projet repose sur quatre piliers : la formation du personnel, les diagnostics dans les cliniques, une charte de bonne pratique et une boîte à outils.
Le rôle clé de la formation pour une implication collective
Soignants, référents bio-nettoyage, agents de la restauration, équipes opérationnels d’hygiène, pharmaciens, acheteurs, ingénieurs travaux… tous les profils sont ciblés. « Il est indispensable que ce soit un projet collectif », souligne Lucie Garcia, chef de projet maternités écoresponsables à l’AP-HP. Trois formats de formation, en plus d’une boîte à outil (lire encadré), ont été mis au point : une formule classique avec des formateurs qui travaillent sur la santé environnementale depuis une vingtaine d’années, des webconférences de 1h30 à 2h animés par des experts ciblant certains métiers « pour toucher des profils qu’on a un peu de mal à retrouver en formation », précise Lucie Garcia.
Par ce biais par exemple, le docteur Philippe Carenco a décrit la mise en place du bio-nettoyage raisonné dans la maternité de Nice et de Hyères. Puis des ateliers d’échange entre les 19 maternités pour partager les bonnes pratiques, comme les soins de cordon à l’eau et au savon à la maternité de Port-royal. « Deux pédiatres ont accepté d’être filmées pour expliquer ce qui a été facile à mettre en œuvre, ce qui ne l’a pas été et comment elles s’y sont prises », indique Lucie Garcia.
Boîte à outils : quand Barbie et les plantes vertes font le jeu de la formation

Installé dans une salle d’attente, « mon écologis » attrape tous les regards. Dans une vitrine à plusieurs étages sur roulettes, on découvre les différentes pièces meublées d’un logement, façon maison de poupées, avec des pastilles de couleur soulignant les bonnes et les mauvaises pratiques en matière de santé environnementale. Une pastille rouge indique de ne pas mettre de contenant en plastique dans le four à micro-ondes, une autre, verte, recommande de faire sa toilette à l’eau et au savon…

« L’idée, c’est de retenir quelques messages clés en santé environnementale même quand vous ne faites que passer dans une salle d’attente », explique Lucie Garcia. « Les établissements qui se sont équipés – pour un coût aux alentours de 1 000€ – sont très satisfaits parce qu’ils parviennent à recruter beaucoup plus de mamans pour les ateliers en santé environnementale quand ils en font la promotion juste à côté de la vitrine ! »

L’échelle de l’écologis correspond aux maisons Barbie, on peut donc personnaliser les pièces avec des meubles ou des poupées Barbie. « À Necker, ils ont ajouté des plantes et un cendrier… » Et dans les deux étages du bas, les maternités exposent leurs initiatives : malette verte offerte aux mamans, kit d’accueil pour les nouveaux soignants incluant une gourde, body de bébé déjà lavé valorisant les achats de seconde main, etc. ■
Une photo à un instant T
Afin de s’attaquer concrètement au problème des polluants, huit maternités pilotes ont bénéficié d’un diagnostic en santé environnementale. « Financés par l’ARS Île-de-France, ces diagnostics ont été réalisés par le Dr Isabelle Farbos, experte en épigénétique chez Habitat Santé-ENvironnement, qui a déjà diagnostiqué une cinquantaine de maternités en Nouvelle-Aquitaine », relate Lucie Garcia. « L’objectif était d’avoir une photo à un instant T de où en est la maternité et quels sont les champs d’action prioritaires. »
À chaque fois, l’auditrice s’est immergée trois jours sur site après avoir demandé à chaque acteur de la maternité de pré-remplir des grilles. « En pharmacie, elle a vérifié par exemple si les tubulures des tire-lait contiennent du DEHP (phtalate) ou si les produits utilisés pour retirer les adhésifs comportent des particules CMR (cancérigènes et mutagènes)… Elle a aussi étudié les alternatives mises en place dans d’autres maternités… »
La bonne nouvelle, c’est que beaucoup de pratiques écoresponsables sont déjà adoptées dans la plupart des établissements. « Les équipes travaux de Robert-Debré par exemple ont choisi des revêtements de sols sans phtalates, les équipes de restauration de Lariboisière et de la GHU Sorbonne ont bien avancé sur l’application de la loi Egalim. On a vu aussi que la maternité de Montfermeil avait limité l’exposition au formaldéhyde (formol) des soignants en choisissant l’envoi de tissus frais aux laboratoires… »
Charte écomaternité : suivez le guide
Après 3 ans de fonctionnement, les maternités du programme ont exprimé le souhait de constituer une charte écomaternité – sorte de guide pratique évolutif et affichable – élaborée par un collectif d’acteurs pluridisciplinaires (équipes soignantes, fonction supports/direction, centrales d’achat…) et validée scientifiquement à chaque étape par des membres de l’ARS, des médecins toxicologues et des représentants du CPS Île-de-France.

24 actions prioritaires (déclinées en 112 mesures) sur 8 champs d’application ont été identifiées qui se veulent concrètes et accessibles à court terme : amélioration du cadre de prise en charge des patients et des conditions de travail des professionnels, réductions des déchets, de la consommation des ressources, intégration des réglementations (comme la loi Egalim), formation de référents écomaternité… Plusieurs niveaux d’implication sont proposés et certaines mesures sont obligatoires. « Les établissements pilotes formalisent pour la plupart leur engagement en signant cette charte », se réjouit Dorothée Henin qui invite toutes les maternités franciliennes à rallier le projet.
L’hôpital a un rôle de prescripteur à jouer
« l’hôpital a un vrai rôle de prescripteur à jouer », estime la chef de projet maternités éco-responsables à l’AP-HP. « Si demain, plus aucun hôpital ne commande un produit qui pose problème, les fournisseurs vont commencer à réfléchir ! »
À l’heure actuelle, toutes les références en pharmacie n’ont pas de pendant écologique. « Le gel d’échographie par exemple ne contient plus de parabens mais du méthylisothiazolinone (MIT), un autre conservateur allergène… », explique Lucie Garcia. « On pourrait le remplacer par du gel d’échographie stérile utilisé pour les examens endocavitaires, mais il se présente sous forme d’unidose plastique, donc pour une échographie, il en faudrait dix, ce qui en termes de déchets n’est pas envisageable. » Toutefois, « l’hôpital a un vrai rôle de prescripteur à jouer », estime la chef de projet maternités éco-responsables à l’AP-HP. « Si demain, plus aucun hôpital ne commande un produit qui pose problème, les fournisseurs vont commencer à réfléchir ! » ■